Passer au contenu principal

Anne Grosfilley, spécialiste du textile et de la mode en Afrique

Anne Grosilley

Anne Grosfilley commence à s'intéresser au wax, après un voyage scolaire chez sa correspondante, au Burkina Faso. A la fin de ce voyage, elle souhaite ramener un souvenir, une pièce de wax. Au marché, son amie lui demande quel type de wax elle désire : "du wax anglais ou hollandais ?".

C'est sans doute à ce moment là que le wax devient pour elle un élément d'étude. En effet, Anne Grosfilley repartira de ce pays avec l'envie de comprendre et d'analyser l'histoire de ce tissu. Elle utilisera le textile comme prisme pour analyser les rapports entre l'Europe et l'Afrique.

Anne Grosfilley fait des études d'ethnologies. De 1993 à 2003, elle vit à Manchester, "la deuxième ville du wax". Après sa maîtrise, elle obtient une bourse du CNRS pour mener ses recherches de doctorat. Grâce à ce financement, elle réalise des voyages d'études en Afrique, notamment en Côte d'Ivoire, au Togo, au Mali, au Ghana ou encore au Burkina Faso. Ces séjours lui permettent de côtoyer la réalité du wax sur les marchés africains. Elle peut ainsi analyser la relation entre le fabricant et le consommateur. 

Ce qui attire le plus Anne Grosfilley dans le wax, est qu'il s'agit d'un tissu exprimant la rencontre des cultures. Le wax est un support de langage : ses dessins font l'objet de multiples projections et interprétations, qui nourissent des formes de communication entre les femmes. C'est là que réside le succès de certains dessins. Des motifs d'inspirations indonésiennes sont ainsi détournés avec humour et liberté par la voix des femmes togolaises ou ivoiriennes.

Selon Anne Grosfilley, le wax est également un sujet d'étude intéressant dans le sens où il a un caractère profane, autrement dit il n'est pas sacré. Il se distingue ainsi des étoffes artisanales d'Afrique. Cette caractéristique permet une libre interprétation de ses dessins, et rend légitime son utilisation par tous, dans le partage. Pour Anne Grosfilley, ce tissu rassemble les gens et permet d'étudier les différentes cultures (d'Asie, d'Europe et d'Afrique), qui s'unissent à travers le wax.

Le wax, au début de son histoire n'est pas un produit Africain. Il arrive "par hasard" en Afrique, initialement destiné aux Indonésiens. Il faut attendre quelques années avant d'obtenir ce statut de produit Africain et ainsi développer une dimension panafricaine et fédératrice. Le wax est devenu aujourd'hui un tissu mondialisé.

Anne Grosfilley différencie le vrai du faux wax. Le vrai wax ne représente que 5% du marché mondial, alors que 95% des wax du marché sont des reproductions de ce tissu. Le vrai est tout de suite remarquable sur le marché par ses "parfaites imperfections". En effet, il s'agit d'une pièce semi-artisanale, un produit de luxe. Le wax est fabriqué suivant la technique d'impression du batik, qui est un procédé très complexe, d'environ une vingtaine d'étapes. L'imperfection du tissu est une caractéristique essentielle, qui permet de reconnaître le vrai wax parmi d'autres.

Néanmoins, la conccurence asiatique (Chine, Inde, Pakistan), qui reprend les mêmes dessins, innove dans les couleurs, et les rend attrayants, notamment auprès des jeunes. Son coût plus accessible explique aussi qu'il soit beaucoup plus présent sur le marché mondial que le vrai wax.

Anne Grosfilley se dit pourtant optimiste en ce qui concerne l'avenir du wax. En effet, nous observons une prise de conscience des Européens originaires d'Afrique, qui consomment de plus en plus de produits africains. Une consommation engagée et responsable se développe de plus en plus, notamment tourné vers le véritable Made In Africa.

Pour Anne Grosfilley, il faut élargir la clientèle du wax et valoriser la production africaine, pour soutenir notamment les deux usines de wax du continent : Uniwax en Côte d'Ivoire et Akosombo (ATL) au Ghana. La société Vlisco en Hollande mérite aussi de garder le flambeau de l'excellence du wax. L'Afrique pourrait soutenir davantage sa production en wax, car elle est aujourd'hui capable de développer des collections de luxe, comme l'a montré la collection "Cruise 2020", pour laquelle la société Uniwax a collaboré avec la maison Dior.

L'auteur, Anne Grosfilley souhaite faire comprendre, à travers ses différents écrits, que le tissu wax est un objet empreint d'Histoire et d'histoires. C'est le témoin d'un lien entre les personnes.

Anne Grosfilley, spécialiste du textile et de la mode en Afrique